Voyage 1987 – 1989

Sur la route de Konya

La route d’Ankara à Konya est correcte. En chemin on visite deux caravansérails, dont un magnifiquement conservé : Sultanhanı, qui date de 1229. Le petit fils du gardien nous salue avec un bonjour traditionnel turc.
Nous arrivons à Konya est un des hauts lieux de pèlerinage. En compagnie de Salim, un petit turc qui parle parfaitement le français et que nous avons croisé par hasard, nous visitions le Tekke de Mevlana, (monastère), emblème de la ville, reconnaissable à son dôme cannelé en faïence turquoise.
Mevlana (Jalal ud Din Rumi), mystique et poète né en Iran, est le père fondateur de l’ordre des Mevlevis, plus connu sous le nom des derviches tourneurs, mouvement spirituel soufi qui date du VIII° siècle. Ce lieu saint, fermé par Atatürk en 1925, est devenu musée en 1954. Sous la coupole se trouve plusieurs tombeaux, dont le plus grand, celui de Mevlâna, couvert de tentures de velours brodées d’or et surmonté d’un énorme turban, symbole d’autorité spirituelle.

Nous ne pouvions pas partir sans assister à une représentation de la danse spirituelle des derviches tourneurs. Vêtus d’une longue tunique blanche et d’une toque en poil de chameau, ils effectuent des tours sur eux-mêmes en allant de plus en plus vite. La main droite levée vers le ciel recueille la grâce divine, qui est transmise à la terre par la main gauche, dirigée vers le sol. Sans être dans cette croyance, nous sommes transportés par cette danse et la musique qui l’accompagne.
On quitte Konya, prochaines étapes Isparta et Pamukkale. Pause au lac de Beyşehir (Beyşehir Gölü). Que dire, magnifique, grandiose …. On a bien fait de profiter de cette pause agréable, car la route est de plus en plus difficile, nid de poules, des cols, des cailloux, puis plus rien, de la mauvaise piste. Conduite éprouvante pour Patrick.

De Manavgat à Isparta

Avant de poursuivre dans les terres, on décide de partir plein sud, voir la mer. Notre circuit le long des côtes de la méditerranée : Manavgat  /  Analya  /  Side  / Antalya avant de retourner vers le lac d’Egirdir. On ne regrette pas !!
On découvre la rivière Manavgat qui descend des montagnes du Taurus jusqu’à la mer Méditerranée, et on fait une longue pause pour profiter de son endroit le plus pittoresque : la cascade de Manavgat (Manavgat Şelalesi). D’un lac à l’autre, après le lac de Beyşehir, celui d’Eğirdir aux eaux turquoise nous tend les bras.

Egirdir

Du lac à la polyclinique …. Depuis hier, Patrick ne se sent pas très bien, malgré le traitement classique contre la turista. Depuis le temps que nous voyageons, je commence à reconnaître la bobologie des symptômes plus importants. En arrivant j’avais discrètement repéré une polyclinique, romatizmal hastaliklar (maladies rhumatismales). Je propose de faire une halte au camping, bien situé près de l’établissement et au bord de la plage, entre deux casernes militaires.

Vers 4h00 du matin, la santé de Patrick se dégrade. On file à la polyclinique. On est accueilli par le veilleur de nuit, endormi. Il propose à Patrick un brancard, que je refuse vu l’état. L’interne est réveillée, elle veut me faire remplir un formulaire en turc que je ne comprends pas … Elle se décide à prendre sa tension …. Panique, elle appelle le médecin de garde. Le Dr Erhan Levent, parle un peu anglais. Il examine Patrick, et m’explique qu’il lui faut une injection de sérum et une perfusion. Pour me rassurer il me montre les seringues à usages uniques. Patrick est conduit dans une chambre à trois lits. Les deux autres occupants sont a moitié endormis. Une infirmière change les draps du lit pour Patrick. Du linge propre pour un touriste !
Le personnel est sérieux, la perfusion va durer deux heures. Pendant ce temps je règle la facture et je vais jusqu’à l’Eczane (la pharmacie) pour un traitement. On va finir l’hospitalisation dans le Toyota, dans la cour de l’hôpital. Le médecin est inquiet, il nous laisse sa carte de visite. Si l’état de Patrick s’aggrave, il l’enverra sur une structure plus adaptée. Compote, coca … avec ce régime Patrick se remet sur pied. Il faut reprendre la route, malgré un violent orage qui éclate, impressionnant.

Isparta

Patrick reprend des forces. Nous voici à Isparta ! la ville des roses. En plus d’être cultivée dans cette région, les roses sont transformées en huile pour la parfumerie, en confiture et même en glace. La ville en elle-même est pittoresque mais pas exceptionnelle. Par contre on y trouve de nombreuses petites boutiques, kiosques et vendeurs de rue de parfum de rose. J’en teste plusieurs, erreur. Chaque parfum est agréable mais leur mélange est entêtant. On nous offre une glace à la rose (gül dondurma). Bon, ce ne sera pas notre meilleur souvenir culinaire de Turquie. On aura même du mal à se débarrasser de ce goût assez … envahissant. Belle route en direction de Pamukkale, assez rare pour le préciser.

Gökcek

Juste après le village de Gökcek et avant d’arriver à Dazkiri, on découvre un centre de tissage. On a le droit à une visite guidée, qui nous explique tout sur le filage, la teinture. Une grande partie des tapis turcs sont des « kilims », terme qui signifie « tissé à plat ». Ils sont le plus souvent en laine de mouton et parfois en coton.

Le tapis turc est à points noués, qu’on appelle nœud gordien (30 à 10 nœuds au centimètre carré). Il y a deux parties : la trame et le velours (fils noués sur la trame et coupés au ciseau). Trame et fils peuvent être soit en laine, soit laine + coton, soit tout en soie. Il faut au moins 6 mois pour faire un tapis.
Les colorants sont extraits de racines, de baies, d’écorces ou de minéraux. A force d’explication, Patrick devient incollable sur le bleu indigo. La couleur dominanter des tapis turcs est le rouge, couleur qui signifie le bonheur et la richesse. Le bleu symbolise la noblesse ;  le vert, le paradis. le jaune et le noir sont des couleurs éloignant le mauvais sort. Une des vieilles dames qui file la laine m’offre des graines de tournesol.

Pamukkale – Hiérapolis

Un magnifique coucher de soleil nous accueille. On accède aux vasques de Pamukkale par le site historique de Hiérapolis, une ancienne cité thermale, créée par les Romains vers la fin du II° siècle av. J.-C. On peut encore y voir les ruines d’établissements thermaux, de temples et d’autres monuments grecs.
Les sources de Pamukkale possèdent des eaux thermales riches en sels calcaires. Au fil des siècles, les eaux jaillissant de la montagne à 53°C et  tombant en cascade ont créée cet étrange paysage de vasques. Pamukkale signifie « château de coton». En fonction des heures de la journée, les couleurs passent du rose le matin, au blanc en plein après-midi pour finir en mauve au soleil couchant. Y rester la journée nous permet d’apprécier ce spectacle.

On se gare près des grandes vasques, nuit paisible en perspective. En cette fin d’été, et dans la journée, il fait encore très chaud. Alors un bain de pied dans les vasques est apprécié et on patauge sans retenue, d’autant plus que les eaux sont réputées bénéfiques pour la peau, les rhumatismes, etc..  Nous terminons notre journée par un dîner au Koru Otel, où nous pourrons passer notre seconde nuit dans ce site magnifique. il fait encore 24°C.

Bodrum

Route assez mauvaise depuis Aydin . Course dans un beau marché. La route a été longue, on fait une halte dans la petite ville de Gümbet, plage et mer chaude, avant d’attaquer Bodrum.
Bodrum c’est un vrai St Tropez turc, avec des bateaux superbes.Autrefois, Bodrum était connu pour ses pêcheurs d’éponges. Aujourd’hui, bien que centre de la navigation de plaisance en Turquie, Bodrum poursuit son ancienne tradition de construction navale de bateau à coque de bois. Nous passerons la nuit à l’Otopark, en face du port.  Un bon plan à retenir !

On quitte Bodrum, via Milas, par la D525 pour rejoindre Kusadasi puis Ephèse. Il fait encore très chaud en ce mois de septembre. Une petite crique, accessible en 4×4 nous tend les bras. On ne résiste pas. Baignade, déjeuner, petite sieste.
KusadasiOn n’y fera que passer, cette station balnéaire est trop touristique pour nous et sans grand intérêt.

Ephèse et Izmir

Par contre nous bifurquons vers Ephèse, pour découvrir l’une des plus importantes cités antique de Turquie. L’entrée du site est payante. Au bout d’une longue voie pavée de 600m, la voie d’Arcadiane, un édifice imposant, le théâtre, pouvant accueillir plusieurs milliers de personnes. Le soleil cogne dure, on aurait dû prendre de l’eau, les zones d’ombre sont rares.  J’ai dû attraper un coup de chaleur, il est temps de me mettre à l’ombre et de me réhydrater, avant de partir pour Izmir.

Izmir (l’ancienne Smyrne) Sur la côte ouest, en venant de Cesme, à 20 Km du centre ville d’Izmir, on a un bon plan pour passer la nuit. Le camp OBA, où le patron Ozlen fait une remise de 15% à ceux qui voyagent avec le Guide du routard. On en profite ! La traversée d’Izmir n’est pas triste, comme pour toutes les grandes villes. C’est le deuxième port de Turquie.On file vers le Bazar. Pas du tout touristique, il est composé de petits kiosques : parfums, coffre-fort, réparation de balances … un peu plus loin, un ancien caravansérail avec de nombreux petits ateliers et un porteur d’eau, qui m’aurait bien été utile à Ephèse !

La culture du coton

Dans cette région, la plus fertile de Turquie, de nombreux champs de coton. Les travaux des champs mobilisent près des trois quarts de la population active. La culture du coton occupe une place importante dans l’économie turque. Elle a un passé très ancien, avant l’ère chrétienne.
La culture du coton est délicate. Il lui faut une chaleur continue et beaucoup d’eau. Il doit être récolté avant les gelées d’automne. Avec ces exigences, la culture du coton trouve sa place ici, dans la région égéenne. La production de coton est exigeante en main-d’œuvre, lors du sarclage et surtout lors de la récolte. La plupart des travailleurs saisonniers viennent de la région du Sud-Est anatolien. Il y a beaucoup d’enfants qui participent à la récoltent. On a lu qu’une étude révélait que 60% des travailleurs participants à la culture du coton étaient âgés de 20 ans ou moins. Cela se confirme sous nos yeux.

Sur la route du retour

La rentrée scolaire nous rappelle que nous sommes déjà à la mi-septembre. Les écoliers sont fiers et contents de retourner sur les bancs de l’école. Depuis 1981, les étudiants sont tenus d’avoir des tabliers noirs et des cols blancs. Ceux qui viennent à l’école en charrette, voyagent debout à l’arrière pour ne pas salir leur tenue. L’éducation publique turque est mixte, laïque et gratuite. C’est est l’une des grandes fiertés de l’état républicain en Turquie. En 1924, le gouvernement a fait voter une « loi pour l’unification de l’enseignement ». La mixité dans les écoles est obligatoire depuis de nombreuses années. Mais les écoliers doivent retourner dans leur classe et nous devons reprendre la route. 

A Ayvalik, nous avons la chance de pouvoir se garer dans la cour du Otel Murat Reïs. Le deal, prendre notre dîner au restaurant de l’hôtel. On ne refuse pas, surtout que le buffet et à un prix raisonnable. On profite de la mer et de la piscine. Des vacances qui viennent ponctuer notre voyage en Turquie.
Puis direction Cannakale , Jolies maisons le long de la côte. Et enfin Lapseki, où l’on prend le bac pour traverser les Dardanelles. Il y a un départ de ferry toutes les heures. En plus du billet pour le ferry, on paye pour pouvoir stationner devant le bateau avant le départ. En face, nous débarquons à Gelibolu. Un dernier bain de pied, une escapades dans les oliveraies.
Nous avons une belle route jusqu’à Erdine.

Voilà, la boucle est bouclée. Notre périple pour découvrir la Turquie d’Est en Ouest s’arrête ici. Nous faisons une dernière halte au Fifi camping, un peu avant Erdine. Refaire le plein d’eau, se poser, avant de retraverser l’Europe et de rentrer.

Notre bilan

Nous sommes partis trois années de suite en Turquie (de 1987 à 1989). Nous l’avons parcouru d’Est en Ouest, dans notre petit véhicule. Tout au bout de l’Europe, aux confins de l’Asie, nous avons rencontré des personnes inoubliables, découvert une culture très riche, des paysages à couper le souffle, déguster des mets raffinés
En 2021, nous avons redécouvert nos diapositives et nos carnets de voyage, qui nous ont permis de mettre en ligne cette belle aventure, celle d’un périple, à deux, au cœur d’une Turquie que nous aimions. Il y avait alors dans ce pays un équilibre fait de bienveillance, de rudesse, de respect des traditions, loin des dérives actuelles, qu’elles soient politique, sécuritaire, …