Après Tarrafal, nous reprenons notre route en direction de Praia, par une route pavée, côte Est. Nous passons par Porto Formosa, plage de sable noir et petit port avec quelques barques de pêcheurs.

Nous faisons une étape dans le petit village de Espinho Branco, celui des « Rabelados » (les rebelles). Qui sont-ils et pourquoi « rebelles » alors que tout est tranquille et rassurant ici ?

Petit retour sur l’histoire

les premiers colons sont arrivés à Santiago à la fin du 15ème siècle. Dans les années 1870 des prêtres franciscains, envoyés d’Italie, ont pour mission d’y évangéliser les esclaves. Des prêtres capverdiens formés au catholicisme ont pris le relais, mais avec une certaine liberté, car ils avaient des femmes et des enfants. En 1940, une délégation portugaise s’est rendue sur place et en fait le constat. Les autorités portugaises décident de mettre fin à cette situation.
 «En 1940, les nouveaux prêtres sont venus avec une nouvelle bible et des nouveaux commandements. Ils ont tout changé, même les bibles vieilles de 300 ans. Nous, les capverdiens, avons été obligé de les enterrer, de les cacher. Ils ont tout brûlé. On s’est rebellé. Et même après l’indépendance on a préféré rester à l’écart, pour conserver le particularisme de notre culture. »

Baptisés rebelles, les « Rabelados » de l’île de Santiago sont un symbole unique de résistance. Leurs croyances n’ont pas changé depuis le 17ème siècle. L’ancien testament et le calendrier lunaire, recueil d’astronomie, de médecine traditionnelle et de prophétie guident encore leur vie. Ils ne reconnaissent pas l’Etat du Cap-Vert. Le dernier prêtre capverdien, décédé en 1960, leur a demandé de ne céder sous aucun prétexte à la pression et ne surtout pas suivre les recommandations de ces nouveaux prêtres venus pour changer leur état d’esprit.

De nos jours

En 1997, une artiste peintre et poète capverdienne, Misa Kouassi, découvre cette communauté et décide de lui consacrer tout son temps afin de l’aider à se développer, tout en initiant les enfants à la peinture. Ils créeront plus tard leur atelier baptisé « Rabelarte », animé par seulement 7 artistes peintres.

Avec intelligence et obstination, à force de dossiers et de subventions, Misa a fait installer l’eau, construit des sanitaires, un atelier de peinture, un four à céramique, une cuisine et des jardins avec réseaux de « goutte à goutte » pour la culture potagère. Elle les a aidé et encouragé dans de nombreux projets qui ont déjà doté la communauté d’infrastructures de base – école, santé, électricité, téléphone – tout en promouvant la tradition et la culture d’une communauté qui ne demande rien de plus que être reconnue comme sienne, avec ses valeurs, ses croyances, sa manière d’être dans la vie et dans le monde.

le 11 aout 2005 ce village de quelques centaines d’habitants a été inauguré comme « premier village de l’art traditionnel du cap vert »

Depuis, il s’est ouvert aux étrangers. C’est le chef spirituel du village qui nous guide et nous donne quelques explications sur la vie quotidienne des Rabelados, leur habitat, les techniques de construction (tronc pour les poutres, utilisation du sisal comme corde, feuilles entrelacées), la médecine par les plantes. Il y a aussi l’atelier de vannerie et surtout le centre de peinture. Même si maintenant leurs enfants sont pour la plupart scolarisés et qu’ils bénéficient de soins médicaux, ils vivent cependant toujours un peu en marge de la société. Lors de notre visite, l’attraction du village c’est le ravitaillement en eau.

Frédéric Brival (dit Fred Atax) réalisateur et photo-reporter, qui a entendu parler de ce village, a été à leur rencontre et découvert à travers leur peinture de couleur vive leur quotidien et leur mode de vie. Fasciné il a invité les artistes peintres à collaborer à une édition de son projet Stokar (art urbain). Leurs oeuvres, originales, ont un grand succès à travers le monde.

Nous les quittons en reprenant la route vers la palmeraie de Fazenda, un barrage a été financé par les USA, puis Praia.