Voyage 1987 – 1989

De Trabzon à Kars

Trabzon est notre premier contact avec la Turquie de l’Est. On longe la côte jusqu’ la ville de Rize. La mer nous appelle, mais impossible d’y accéder, sauf via un camping. On négocie pour y rester le temps d’une baignade. On enfile les maillots, superbe plage de sable fin, on trempe un pied … et ce sera tout, l’eau est très froide, et pas si propre que çà.
A Hopa, sur la côte, nous bifurquons vers Artvin. Notre route longe une rivière transcaucasienne aux eaux agitées, la Tchorokhi, connue aussi sous le nom de Çoruh. Nous traversons une vallée aride, avec de splendides paysages. Artvin s’étend à flanc de montagne.

Il est 18h30, nous décidons de passer la nuit dans cette petite ville sans charme, mais avec une population très accueillante. Nous sommes invités à boire un thé dans un petit troquet, et avec l’aide de notre micro-dictionnaire nous passons une très bonne soirée. Des jeunes arrivent avec des poissons tout frais péchés en contre bas, dans la rivière. Nous dormons près du poste de police (köprübaşı karakolu), ils sont curieux de voir que l’on a tout ce qu’il faut pour vivre dans notre Toyota mais nous proposent quand même d’utiliser leurs toilettes. Nuit très calme.

Le lendemain, départ pour Kars, en faisant un détour par le plateau de Kafkasör, à 1200m, après avoir emprunté une piste de montagne. On avait compris qu’il y avait une fête, fin juin. On teste vraiment les possibilités 4×4 du Toyota. Il y aura bien une grande fête, très populaire, le Kafkasör Kültür ve Sanat Festivalı (Festival de la culture et de l’art de Kafkasör) avec des danses en costumes traditionnels, une corrida, des chants …. mais seulement le WE prochain. On ne peut pas attendre 4 jours ici. Demi-tour !

Belle route jusqu’à Göle, avec de magnifiques paysages de montagnes, les canyon rocailleux succèdent aux forêts et alpages. A 2000 mètres la température passe de 36°C à 25°C, nous apprécions. Nous croisons des petits troupeaux de moutons que les bergers lavent dans le lit de la rivière. Mon manque de vocabulaire nous limite à comprendre pourquoi. Un peu plus loin nous rencontrons des jeunes enfants sur le bord de la route. Nous prenons un goûter avec eux et ils nous laissent leur adresse pour leur envoyer quelques photos de cette belle rencontre.
Puis de Göle à Kars la route est épouvantable. Nous arrivons dans une ville très poussiéreuse, aux rue défoncées, à la recherche du « Tourisme Krontol » pour obtenir nos laisser passer pour visiter Ani. Après avoir pas mal cherché, nous obtenons nos fameux sésames.

De Kars à Ani

Ani est situé à 45 km à l’est de Kars. Mais il fallait faire tamponner nos « laisser passer » avant Ani, dans la ville de Subatan. On ne le savait pas,ou alors c’est écrit dessus mais en turc. Pas de problème, demi-tour ! Le seul avantage c’est que la pluie a cessé et que nous visiterons Ani sous un beau soleil.
Ani, ou du moins les ruines qu’il en reste, montre qu’elle était importante et prospère. Fondée au début du IX°siècle par un prince arménien de la famille des Bagratides, Ani est devenue la capitale du royaume et s’est développée dans un centre économique et culturel important. La ville passa ensuite successivement aux mains des Byzantins, des Turcs, des Géorgiens et des Mongols. Ces derniers parvinrent à ruiner le commerce de la ville. Au XIV° siècle les habitants commencèrent à émigrer et Ani fut peu à peu abandonnée. Aujourd’hui entre les destructions et les séismes, dont celui de 1319, il ne reste que les vestiges d’églises (avec de très belles fresques), ceux de la grande cathédrale, du minaret de la mosquée, du rempart qui ceinturait la ville.

Les photos sont interdites, de part et d’autres, les sentinelles soviétiques et turques surveillent les rares touristes. Nous prenons beaucoup de précautions pour faire, malgré tout, quelques clichés. Nous ramassons aussi discrètement deux petites pierres, pour ramener à nos amis arméniens, comme souvenir.
Nous rejoignons la route D070 qui passe par Digor et longe la frontière avec l’URSS. Les villages traversés, comme Tuzluca, ne subissent pas l’influence soviétique, et ressemblent bien aux autres villages turcs.  Il y a une forte présence militaire.

Doğubayazıt – Ishak Pasha

Entre paysage lunaire et petit village, notre route longe le majestueux mont Ararat. Le sommet,aux neiges éternelles, Agri Dag, culmine à 5 165m. Il est posé comme un bloc au dessus de la plaine qui l’entoure. Nous le laissons sur notre gauche.
Nous passons la nuit à Doğubayazıt, à quelques kilomètres de la frontière iranienne. Mais nous n’avons pas de visa pour l’Iran, nous n’irons pas plus à l’Est. Nous trouvons refuge dans le parking de l’hôtel Ertur. On ne sait pas pourquoi, mais le climat est un peu oppressant, on verra demain …
Nous commençons notre journée par celui qui nous attire comme un aimant … Découvrir le Palais Ishak Pasha au lever du soleil, à l’architecture ottomane remarquable.

Dominant cette région désertique, perché sur une colline, le Palais Ishak Pasha n’est qu’à quelques km à l’Est de la ville de  Doğubayazıt, sur la route de la soie. Construit entre 1685 et 1784, par une famille kurde, c’était une place forte qui contrôlait la route des caravanes. Depuis, il a essuyé les affres du temps. Sa restauration a commencé dans les années 1966 (nettoyage général, fouilles du site,…). Il est toujours en reconstruction et notre visite se fait au son des tailleurs de pierres.
De là-haut, nous avons une vue exceptionnelle sur un décor aride, somptueux, passant toute la gamme de pastels rose, ocre, brun, beige. Nous sommes sous le charme de cette partie de la Turquie de l’Est, le Kurdistan.

Nous redescendons vers Dogubayazit, ville sans grand intérêt, qui culmine à 1 950 m d’altitude. Dans les rues beaucoup de monde, enfin beaucoup d’hommes, pas de femmes en vue. Quelques courses, des fruits et des légumes, mais pour nous pas de viande, en vue de reprendre la route vers l’Anatolie orientale.