Mardi 16 avril. Direction Nord-Est, arrêt station VDNKh (ligne 6). Après un tour dans le parc du centre VDNKh (ВДНХ) aussi appelé Centre panrusse des expositions, nous filons à quelques centaines de mètres vers le musée de la cosmonautique. Devant nous, crevant le bleu du ciel, une fusée décolle, laissant derrière elle une flamme géante en titane. Nous voilà devant le Monument aux conquérants de l’espace. Ses caractéristiques sont impressionnantes : 100 mètres de haut, 250 tonnes avec un angle d’inclinaison de 77°. Il a été inauguré le 4 octobre 1964, à l’occasion du septième anniversaire du lancement du premier satellite, le Spoutnik.

Histoire du musée

Dès la conception de ce monument, et certainement à l’initiative de Sergey Korolev, fondateur du programme spatial soviétique, un espace prévoyait l’utilisation du sous-sol pour la construction d’un musée. Il aura fallu attendre sept ans (28/09/1967) pour que Le gouvernement soviétique initie la fondation du Musée de la cosmonautique au pied du Monument aux conquérants de l’espace afin de « commémorer les réalisations remarquables du peuple soviétique dans l’exploration spatiale ». C’est aussi en 1967, que devant le monument, une grande allée est dédiée aux héros de l’espace.
L’ouverture du musée aux visiteurs a eu lieu le 10 avril 1981, correspondant au 20ème anniversaire du premier vol spatial habité. En 2006, soit 25 ans après son ouverture, le musée a été fermé pour une rénovation en profondeur. La grande (ré)-ouverture du musée a eu lieu le 11 avril 2009. Complexe multifonctionnel, scientifique et éducatif en plus des expositions, il a maintenant une surface totale de 8 500 mètres carrés dont 900 mètres carrés pour les expositions.

Nous prenons nos billets (250 Rub chacun, soit 3,40 euros). Vraiment pas cher par rapport à tout ce que l’on va découvrir. Il y a 8 grandes salles, qui nous font voyager dans le temps … et l’espace, bien sûr. L’exposition retrace : L’aube de l’ère spatiale – Créateurs de l’ère spatiale – Histoire de l’espace et culture – Navigation habité dans l’espace – Exploration et recherche de la lune et du système solaire – Les sciences spatiales au service de l’humanité – Coopération internationale dans l’espace – Flotte spatiale internationale.

l’Aube de l’ère spatiale et ses créateurs

On commence la visite par la maquette à l’échelle 1 du premier Spoutnik, lancé depuis le cosmodrome de Baïkonour, base de lancement russe située au centre du Kazakhstan, le 4 octobre 1957. Son vol a duré 92 jours et fait environ 1 400 orbites autour de la Terre. Il est revenu dans l’atmosphère terrestre et a cessé d’exister en janvier 1958.
Le deuxième satellite, ou Spoutnik 2, est bien connu puisqu’il a emporté dans sa cabine pressurisée la chienne Laïka, le 3 novembre 1957. Il transportait aussi du matériel scientifique qui a permis de transférer des données scientifiques depuis l’espace. Après 4 orbites autour de la Terre suite à une surchauffe, Laïka n’a pas survécue. Pour info, Spoutnik, спутник en russe, signifie satellite ou « compagnon de voyage ».
Deux vitrines nous présentent les chiens Belka et Strelka, ainsi que le conteneur d’éjection pour « cobayes » du Spoutnik 5. Contrairement à Laïka, ces deux chiens ont été récupérés vivants, après 25 heures de vol, et après l’achèvement du programme d’expériences biomédicales en août 1960. Le conteneur a été un modèle pour les éjections des cosmonautes. Il y avait une cabine avec machine à alimentation automatique, système de toilettes et de ventilation; éjecteur et système de parachute; balise radio pour la catapulte et autres matériels. le conteneur a été éjecté pendant la descente de l’engin spatial à une altitude de sept kilomètres. la vitesse d’atterrissage était de 6-8 mètres par seconde.

La salle suivante nous présente Konstantin Tsiolkovski, considéré comme le père de la cosmonautique moderne, avec ses travaux de recherche et développement de l’industrie soviétique des fusées. A ses côtés, une reconstitution du bureau du designer de Sergei Pavlovich Korolev, fondateur de l’astronautique pratique. C’est à cet ingénieur soviétique, qui a failli périr dans un camp stalinien, que l’on doit la conception des premiers vaisseaux spatiaux pilotés et fusées porteuses, après avoir développé la série de missiles R à partir du V2 allemand. Un panneau indique « Intérieur de la salle de loisirs du designer général S.P. Korolev – Kaliningrad, région de Moscou, 1946 – 1966 ». en effet, son bureau se composait de deux parties: l’une officielle pour les réunions avec les employés, les consultations importantes, … et l’autre non officielle, pour son lieu de travail personnel et isolé, que S.P. Korolev avait appelée « salle de loisirs »

Navigation habité dans l’espace

Que serait la navigation spatiale sans Youri Gagarine, le premier homme dans l’espace ? La fusée « Vostok-1 » a été lancée le 12 avril 1961 à 9h07, heure de Moscou, du cosmodrome de Baïkonour. Après avoir effectué une orbite autour de la Terre, elle a achevé son vol au bout de 108 minutes et le nom du premier cosmonaute a marqué l’histoire de l’humanité pour toujours. Le 14 avril, Youri Gagarine est reçu triomphalement à Moscou, sur la Place Rouge. Le musée présente des maquettes de la fusée, le module de descente, la combinaison spatiale, des articles d’actualités et divers documents de Gagarine.

Dès 1962, les équipes de Korolev travaillent sur un nouveau projet : le vaisseau spatial Soyouz, beaucoup plus grand que la capsule Vostok, pour permettre d’emporter un équipage de trois personnes.

Du 14 au 18 janvier 1969, pour la première fois de l’histoire, deux engins spatiaux habités Soyouz-4 et Soyouz-5 effectuent une approche automatisée et d’un amarrage. Sur une maquette de l’accostage de Soyouz-4 et Soyouz-5, on voit comment, le 16 janvier 1969, les cosmonautes Eliseev et Khrunov ont réalisé la première sortie dans l’espace en passant d’un vaisseau à l’autre. On peut voir qu’ils ont revêtu une combinaison spéciale. il s’agit de la combinaison Yastreb (Ястреб), combinaison spatiale russe spécialement conçue pour les premières missions de véhicules spatiaux Soyouz et EVA (Extra-Vehicular Activity). Ce modèle de combinaison spatiale a permis au cosmonaute de sortir du module orbital de Soyouz, mais n’a été utilisée qu’une seule fois, lors des échanges d’amarrage et d’équipage Soyouz 4 et Soyouz 5

Exploration et recherche

Nous suivons le circuit, et découvrons une grande vitrine avec tous les portraits des cosmonautes, en commençant par Youri Gagarine jusqu’à nos jours, ainsi que l’évolution des engins spatiaux.

La salle suivante est consacrée à l’exploration spatiale. On y trouve les maquettes des engins spatiaux, des sièges éjectables et pas mal de combinaisons spatiales. Des avancées ont été faites depuis celles utilisées par les équipages Soyouz. Comme la combinaison spatiale Orlan-D semi-rigide conçue pour les activités extravéhiculaires. Elle a été utilisé lors des vols des stations spatiales orbitales Salyut-6 et Saluyt-7 de 1977 à 1984 (torse rigide et au niveau des articulations des joints avec roulements à billes qui accroissent la mobilité du porteur). Leur poids est passé progressivement de 73,5 kg (Modèle D) à 120 kg et l’autonomie de 5 heures à 7 heures.

Coopération internationale dans l’espace – Flotte spatiale internationale

Maintenant, le musée ne se concentre plus exclusivement sur les réalisations du programme spatial soviétique. Après la réhabilitation, des sections du musée ont été ajoutés pour les programmes dédiés aux États-Unis, à l’Europe, à la Chine et à la Station spatiale internationale.

L’exposition présente aussi une maquette grandeur nature d’un fragment de la station Mir, dans laquelle nous pouvons entrer. Le module a été lancé dans l’espace le 20 février 1986. Ce lancement a marqué le début de la construction unique d’un complexe orbital habité de type modulaire. Ce module est le lien principal de l’ensemble de la station orbitale. La partie principale du module est le compartiment de travail pressurisé, où sont situées les installations de contrôle et de communication. À l’intérieur du module, il y a deux cabines de couchage pour les membres d’équipage, un espace commun pouvant servir de cuisine, de salle à manger avec tapis roulant et vélo « d’appartement ». le module est prévu pour 6 cosmonautes.

Dans les scènes, il y a la reconstitution du Module de descente de la sonde Soyuz TM-7, avec son équipage. Soyuz TM-7 est arrivé à la station spatiale Mir le 28 novembre 1988 avec les cosmonautes soviétiques A. Volkov an S. Krikalyov et le premier cosmonaute ingénieur français, Jean Loup Chrétien. Pendant les travaux à bord de la station spatiale Mir, l’équipage a mis en œuvre avec succès le programme scientifique franco-soviétique. Le 21 décembre 1988, les cosmonautes V. Titov, M. Manarov et JL Chrétien sont revenus sur Terre à bord de la sonde Soyouz TM-6.

Les sciences spatiales au service de l’humanité

Cela fait déjà plusieurs heures que nous sommes dans ce musée. Nous faisons une halte au café du musée, avant de continuer notre exploration de ce monde spatial, dont le vaisseau spatial « Bion-6 » (1986), qui fait partie du programme Biocosmos, et conçu pour mener des expériences biomédicales et étudier l’influence des facteurs de vol dans l’espace sur les organismes vivants. Puis nous abordons la vie des cosmonautes à bord des vaisseaux. Des vitrines présentent des échantillons de nourriture, des couverts, divers outils et articles d’hygiène. Il y a même un réfrigérateur, destiné au stockage de nourriture dans des conditions de vol spatial (stations de Salyut et Mir).
Une autre allée surprenant : des végétaux ont été mis sur orbite dès les années 1960. Depuis, plus d’une douzaine d’expériences de culture de plantes différentes ont été effectuées sur des véhicules avec équipage. « Oasis-1AM » a été utilisé pour les premières expériences sur la station orbitale Salyut-6 (1977).

Cosmodromes

Mais pas de vaisseaux spatiaux sans base de lancement !! Dans la dernière salle avant le magasin à souvenirs, des dioramas représentent quelques uns des cosmodromes et fusées modernes. Il y a le complexe de lancement du cosmodrome de Baïkonour avec le lanceur Soyouz. C’est le seul que la Russie exploite en dehors de son territoire il est situé au  Kazakhstan.
Complexe de lancement de la navette spatiale sur le site de lancement de John F. Kennedy à Cape Canaveral. La navette spatiale était un système de lancement réutilisable et un vaisseau spatial orbital exploité par la NASA (National Aeronautics and Space Administration) aux États-Unis pour une mission spatiale humaine entre 1981 et 2011.
Vaisseau spatial orbital Bouran – système de transport spatial réutilisable soviétique, créée par le programme Énergie-Bouran. Buran était destiné à: lancer, entretenir et ramener des vaisseaux spatiaux, des astronautes et des cargaisons sur Terre; mener des recherches et des expériences militaires appliquées.

Une maquette de deux vaisseaux et des portraits retiennent toute notre attention. Il s’agit de la première mission spatiale commune entre l’Union Soviétique, avec Soyouz 19,  et les Etats-Unis d’Amérique, avec Apollo. Soyouz 19 est parti du Cosmodrome de Baïkonour et Apollo de Cape Canaveral en Floride. Le 17 juillet 1975, un sas étroit unit la capsule américaine au vaisseau soviétique. Durant quarante-deux heures les deux équipages réalisent ensemble des expériences de physique spatiale, de médecine, de chimie et de biologie, avant de se séparer.

Nous avons passé plusieurs heures dans ce magnifique musée. Très agréable, des panneaux en anglais, des maquettes, des scènes, … Que de chemin parcouru depuis le Spoutnik 1. Nous ressortons par  l’entrée principale, où un groupe d’enfant pose devant l’imposante statue de Youri Gagarine. Nous sommes devenus (presque) incollables sur l’évolution de la science spatiale !!